30 mars 2009

Latin Rover


Dimanche dernier, sur un blog ami, le jeu consistait pour les participants à expliquer l’attachement personnel qu’ils avaient pu avoir pour… une voiture. Telle la madeleine de Proust, ce petit jeu fit remonter en moi une foule d’émotions liées à l’aventure tumultueuse vécue il y a quelques années avec ma Rover 400.

Il faut dire qu’après une Renault 5, une Opel Kadett, une Renault 11 et deux Chamades, cette Rover était la première voiture que j’achetais sur un coup de cœur.

Elle avait fière allure avec sa carrosserie verte Mark &Spencer, son intérieur beige « cup of tea with nuage de lait », son tableau de bord en vrai faux-bois… Elle avait très exactement ce charme dit britannique que l’on accorde à la production mécanique de la perfide Albion. Un charme qui devenait franchement insoutenable dans la latinité ambiante de la Côte d’Azur.

La simple perspective de cet achat déclancha autour de moi un feu nourri de mises en garde et d’anecdotes frôlant la légende urbaine autour de la malédiction qui s’abattait sur les propriétaires de Rover.

Mais le charme de la belle était tel que rien ne me fit fléchir.

Deux mois plus tard, le roi (d’Angleterre) n’était pas mon cousin quand je m’installais enfin au volant de cette authentique trois volumes qui renvoyait ses rivales dans la catégorie des camionnettes.

De cette courte période, je garde le souvenir d’une promenade dans l’arrière-pays avec mon père qui, décédant quelques mois après, ne connaîtra que la période faste de cette voiture pour lui un peu exotique mais dont il appréciait le vrombissement du moteur.

Très vite, les choses se gâtèrent. Après 1.000 kilomètres, la climatisation explosa. Se retrouver dans un habitacle envahi par une fumée épaisse qui pouvait s’apparenter au célèbre smog londonien aurait pu être charmant… si nous n’étions pas au mois de juillet. Après 10.000 kilomètres, ce fut le moteur lui-même qui explosa du côté de Grasse. Quelque temps auparavant, un oiseau de mauvais augure m’avais dit : « Tu verras, les Rover explosent toutes à… 10.000 kilomètres. Comme c’était un ami de Patrick Allemand, je ne l’avais pas cru…

Après cet incident, je n’ai plus compté les séjours au garage de la belle anglaise car quand on aime on ne compte pas et, contre vents et marées, je continuais à l’aimer cette voiture-catastrophe.

Je l’aimais au point de ne plus supporter les lazzis et les quolibets de mes amis ou supposés tels (à la réflexion, je ne vois que le débat sur la Constitution européenne pour m’avoir mis dans un état semblable).

Parallèlement, la marque Rover poursuivait sa descente aux enfers. Après avoir été vendue par les Japonais de Honda et les Allemands de BMW (qui, en bons prédateurs, garderont la Mini), elle intéressera un court moment les constructeurs chinois avant d’être rachetée par un fond de pension réfugié dans un paradis fiscal.

Devant tant d’adversité, seul contre tous, je m’accrochais. Enfin, pas tout à fait seul : avec la discrétion des âmes nobles, Dominique faisait semblant de ne pas voir que j’utilisais de plus en plus sa voiture pour ménager mon aléatoire véhicule.

Puis, après des années d’amour vache et de galère, nous arrivâmes, elle et moi, au bout du chemin. La fin fut une forme d’apothéose : le moteur explosa une nouvelle fois devant le pub Valrose, en pleine circulation. La fumée fut si dense que des rumeurs d’attentat circulèrent dans le quartier.

Mon garagiste racheta l’épave et ce fut le temps de la séparation, après huit années de pas très bons ni très loyaux services. Mais, voyez-vous, s’il y avait de l’Odette de Crécy chez elle, il y avait du Swann chez moi, et croyez-moi si vous le voulez, je la regrette toujours. Et quand en ville je croise une de ses sœurs survivantes, il paraît que mon regard devient étrangement songeur…

8 commentaires:

Anonyme a dit…

M'enfin de m'enfin, mais c'est la voiture de Gaston !! Joëlle

Kissatachanotramélaforcedémé a dit…

J'adore ce post !! en tous points !! j'imagine la voiture, presque comme celle qui a fait l'objet d'un film, un vieux film, je sais plus le titre mais c'est hyper connu... genre coccinelle... c'était peut-être bien même une coccinelle à la réflexion... avec un sourire sardonique entre les deux phares avant... ouais !! "objets inanimés avez vous une âme..."
Coté galères ça me rappelle une clio qui consommait plus d'huile qu'une friteuse percée, dont le moteur s'est cassé en deux sur l'autoroute... mais bon, je n'étais pas du tout attachée à la "chose"...

Claudio a dit…

Hilarant !!! La Rover inspire. Merci pour ce délicieux moment.

Miss R.Royce a dit…

Je suis déçu, je croyais que vous ne vous déplaciez qu'à faveur de mollets, à pied ou en vélo..:-)

bernard gaignier a dit…

Dominique me l'a soufflé.... mais c'est vrai que ça aurait fait un beau fragment de Nice;.. en partant des points d'explosion...Et je l'aurai fait avec d'autant plus d'entrain que je ne me suis jamais moqué de ce cataphalque euh... de cette voiture! ça m'aurait vengé d'Uluru

Pénélope a dit…

Il y a des étapes importantes dans la vie : sa première dent, sa première communion, sa première première (ou premier)... Et puis un jour son premier achat coup de cœur et désormais rien ne sera jamais plus comme avant : l’avant Rover et l’après Rover.
Croyez Monsieur Mottard en ma sincère compassion, il aurait été trop cruel d'y renoncer…
Vous seul pouvait évoquer Un amour de Swann comme épilogue de ce fragment de votre vie, aussi ce sera mon coup de chapeau au narrateur.

Anonyme a dit…

Magique. Aimons nos vieilles voitures ! Boycottons la prime à la casse ! Ne relançons surtout pas l'industrie automobile, bichonnons nos vieilles voitures afin qu'elles vivent, qu'elles durent jusqu'à l'heure où nous serons enfin sortis de l'ère automobile.
Paix à son âme.
Marianne

alain a dit…

Pour moi ce fut une Opel Kadett City de type increvable, mais j'ai peur de radoter, aussi vais faire court, au possible. 25000 km de voyages vers l'Afrique, achetée à 60000 km pour pas cher elle monta à 195000 km de bons et loyaux services. Un jour sur trois cylindres, j'ai décidé de m'en séparer. Je la lâche pour rien à un garagiste, sans même rayer la carte grise.
Pensant peu plus tard à je ne sais quoi, je remonte les marches sortant, bien sur à pied, du métro de l'hôtel de ville de Lyon, et j'aperçois un toit vert Opel K... puis petit à petit, stationnant en plein interdit, mais là où je devais passer, elle me nargua... et me nargua encore une paire d'années, au hasard du périphérique emplie de seaux de plâtre, elle bossait, au black pour le BTP... Histoire un peu rock'n roll, mais véridique, avec un peintre, en bâtiment elle a poursuivi son histoire, et c'est bien. On s'y attache, c'est vrai. Je pense prochainement, très prochainement mettre une image de cette star sur mon blog.